Poème morne
Auteur
Alphonse Allais
(20/10/1854
- 28/10/1905 )
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POÈME MORNE
Elle serait revenue de tout et ne croirait à rien.
Point jolie, mais persuadée qu’elle ensorcelle tous les hommes,
sans en excepter un seul.
qui aurait bleui son corps,
tout son corps,
à coups de poing,
dont la chevelure nombreuse, longue
et les passantes.
Rien !
Seulement, je prendrais mes précautions.
Le jeune poète me dédierait ses productions,
Cette chose-là durerait des mois
et des mois.
Puis, voilà qu’un beau jour Eloa s’adonnerait à la morphine.
néfaste.
Les joues d’Eloa deviendraient blanches, bouffies,
si bouffies
qu’on ne lui verrait plus les yeux,
et piquetées de petites tannes.
Elle ne mangerait plus.
Des heures entières, elle demeurerait sur son canapé,
comme une grande bête lasse.
il se tromperait,
et, au lieu de morphine,
livrerait je ne sais quel redoutable alcaloïde.
Eloa tomberait malade.
comme un cheval.
Ses extrémités deviendraient froides
comme celles d’un serpent,
et toutes les angoisses de la constriction
qu’elle morte,
je me tuerais.
Nos deux corps, enfermés dans la même bière,
se décomposeraient en de communes purulences.
Le jus confondu de nos chairs putréfiées passerait dans la même sève,
produirait le même bois des mêmes arbustes,
s’étalerait, viride, en les mêmes feuilles,
au printemps,
cette odeur-là, ce serait, confondues nos deux âmes sublimées.
Je lui promettrais tout ce qu’elle voudrait, et même d’autres choses.
le lendemain,
je prendrais une autre maîtresse
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Présent dans
Données du texte
Titre : Poème morne
Recueil : Le Parapluie de l’escouade
Édition : Paul Ollendorff
Date de l'édition : 1893