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J’AI JETÉ MES FLEURS…


 
C’est en vain que, pour moi, ma raison s’évertue,
Car je n’aime que ce qui me raille et me tue.

Et ma grande douleur terrible, la voici :
Partout je redirai : Je ne suis pas d’ici.

Je n’ai rien calculé, je suis née ivre et folle.
Au hasard, j’ai semé mon âme et ma parole.

J’ai donné mes baisers et mes fleurs et mes lais,
Et je n’ai point compris que je me dépouillais…


J’aime le vent qui fait les pires catastrophes,
L’encens mortel, les soirs fiévreux, le vin des strophes.

Si je ne puis mourir d’une très douce mort
Où je m’exhalerais sans cris et sans effort,

Que retombe sur moi l’effroi d’un beau désastre,
L’écroulement d’un temple ou la chute d’un astre !

Et que je disparaisse au regard des humains,
Ayant jeté mes fleurs au hasard des chemins.

Que, si la Destinée est à ce point clémente,
La nuit m’ensevelisse et le vent me lamente !

Et dans ce long repos qu’aucun mot ne traduit,
Que je dorme parmi les choses de la nuit.