LES ORIPEAUX



Je ne danserai pas sur ton tréteau banal,
Avec tes histrions et tes prostituées.


Lorsque fermente en moi la tristesse du vin,
J’erre, exagérant mon verbe de pitre,
Mentant comme un prêtre et comme un devin.
Ma loquacité pérore et chapitre
Devant la foule aux remous de troupeau
Que le sifflement des fifres taquine.
De mes vers, pareils à des oripeaux,
J’ai drapé follement tes membres d’arlequine.


Découvre à l’air des nuits tes seins prostitués.
Sur les murs, la foule a groupé ses fresques.
Mes gestes fiévreux sont accentués
Par l’explosion des tambours burlesques.
Je tourne mes yeux sottement épris
Vers ton corps lascif, que l’amour efflanque.
Car nous endurons un égal mépris,
Ô toi la danseuse ivre, ô moi la saltimbanque.

Des souffles cauteleux éteignent les quinquets…
Tels des haillons, sous leur clinquant de rimes,
Puant la sueur et les vieux bouquets,
Mes vers ont gardé tes chaleurs intimes.
Mes vers sont pareils à des oripeaux.
Ah ! ce beuglement d’affreuses musiques
D’orgues, cette odeur de crasse et de peaux !
Ce spectacle effronté de nos âmes publiques !